Dossier 1/3
Mars 1834. tel un capitaine intrépide voguant sur les flots tumultueux de l’histoire, une flottille d’une centaine de sloops de pêche anglais, tels de vaillants corsaires, s’engage dans la baie de Granville, dispersée mais disciplinée. Leur mission ? Draguer les vastes récifs d’huîtres sauvages qui parsèment les fonds marins de cette région. Mais, en cette rigoureuse saison hivernale, un drame digne des récits envoûtants de Jack London vient secouer ces eaux disputées de la Manche. Le 12 mars, un chef de Portsmouth, habitué au braconnage dans les eaux territoriales françaises, succombe sous les balles des gardes-pêche après avoir farouchement résisté lors de son accostage. Cette tragédie, susceptible d’envenimer les relations entre Paris et Londres, replace la question des limites de la « mer commune » au cœur de l’agenda diplomatique. Elle aboutit ainsi à la signature de la convention franco-anglaise du 2 août 1839, l’une des premières conventions internationales consacrées à la pêche et à la préservation des ressources halieutiques. Cet accord règle, entre autres, les modalités d’exploitation et le partage des précieuses huîtrières naturelles situées entre le continent et les îles anglo-normandes.
Cet épisode tragique ne témoigne pas seulement de la violence inhérente aux conflits d’accès aux ressources maritimes, mais également de l’importance économique et culturelle de l’huître. Depuis l’Antiquité, ce mollusque prisé pour ses multiples vertus culinaires, diététiques et aphrodisiaques, séduit les palais des fins gourmets. Jadis réservée aux cours royales européennes du XVIe siècle, la consommation de ce mets de luxe se démocratise peu à peu à l’époque moderne pour connaître, au XIXe siècle, une expansion mondiale fulgurante. L’huître devient alors un produit à la mode, transcendant les barrières sociales et les frontières nationales. Bien qu’elle soit parfois considérée comme un « plat des pauvres » en raison de son prix modeste, elle reste un mets de choix, notamment associé à l’essor des premières stations balnéaires. Dans le monde occidental, elle est présente dans la plupart des villes côtières reliées par le chemin de fer, et il est possible de la déguster aisément, que ce soit à la table d’un restaurant, au comptoir d’une taverne ou sur l’étal d’un vendeur ambulant.
Au XIXe siècle, New York devient la véritable capitale mondiale de l’huître. Sa consommation annuelle s’élève à des centaines de millions, et il n’est pas rare d’en faire son repas plusieurs fois par semaine.
Les façons de la déguster sont multiples : frite, rôtie, confite, marinée ou fumée, en soupe, en ragoût, en hot-dog, sur un cracker,
Les façons de la déguster sont multiples : frite, rôtie, confite, marinée ou fumée, en soupe, en ragoût, en hot-dog, sur un cracker, ou simplement crue, dans sa coquille (« on the shell »), assaisonnée d’un peu de vinaigre et dégustée à l’aide d’un cure-dent pour une allure moderne et distinguée. Ce succès culinaire profite également du développement des nouveaux procédés de conservation qui se diffusent à l’ère industrielle. En Europe et aux États-Unis, les huîtres apparaissent dans les épiceries sous forme de boîtes de conserve, tandis qu’en Chine, dans la province du Guangdong, la sauce d’huîtres conditionnée en bouteille voit sa production exploser à partir de la fin des années 1880, devenant rapidement l’un des condiments emblématiques de la cuisine asiatique mondialisée, au même titre que la sauce soja.
Cependant, les conséquences de cet engouement ne tardent pas à se faire sentir. Vers le milieu du siècle, partout, le même constat accablant est dressé : les huîtrières naturelles dépérissent et les ressources s’amenuisent. Les causes de ce déclin sont multiples. D’une part, l’utilisation inconsidérée de la drague ravage les fonds marins, et d’autre part, la surpêche épuise peu à peu les capacités de reproduction naturelle d’un mollusque longtemps considéré comme inépuisable. Comme souvent, l’histoire de l’alimentation se mêle à celle de. l’environnement
Afin de freiner ce déclin des ressources, les autorités en charge de la pêche mettent en place des mesures de conservation. Cependant, leur application s’avère souvent délicate, notamment face aux pêcheurs étrangers qui ne respectent pas toujours les restrictions imposées par les États dans leurs eaux territoriales. De part et d’autre de l’Atlantique, le XIXe siècle est ainsi ponctué d’incidents de pêche qui dégénèrent parfois en véritables affrontements en mer. Parmi eux, les fameuses « guerres de l’huître » éclatent dans la baie de Chesapeake à partir de 1865, lorsque les autorités du Maryland imposent un permis de pêche réservé exclusivement aux résidents de cet État côtier, créant ainsi une situation de tension.
C’est dans ce contexte que certains visionnaires s’attaquent résolument au problème de l’épuisement des huîtrières naturelles en cherchant à maîtriser le cycle de reproduction de l’huître, à l’instar de l’agriculture pratiquée sur terre. L’objectif est simple : multiplier artificiellement les huîtres. À cette époque, différentes pratiques ostréicoles sont déjà utilisées à travers le monde, consistant à prélever les jeunes huîtres (les naissains) d’un banc pour les replanter sur un autre ou créer de nouveaux sites. On retrouve des exemples de ces pratiques en Chine, au Japon ou au Mexique, mais c’est principalement à Victor Coste (1807-1873), savant et professeur d’embryologie comparée au Collège de France, que l’on attribue souvent le mérite d’avoir « inventé » l’ostréiculture.
D’après l’historiographie, Coste aurait fait cette découverte à son retour d’un voyage d’observation scientifique sur les rivages du lac Fusaro, près de Naples, où la technique de captage des naissains, héritée de l’époque romaine, était déjà couramment utilisée. En réalité, son apport réside davantage dans le perfectionnement de cette technique et dans sa capacité à convaincre l’empereur Napoléon III de l’importance de son application à grande échelle. Quoi qu’il en soit, les expérimentations menées tout au long des années 1850-1860 avec le soutien financier de la marine suscitent un vif intérêt dans les régions côtières de la France, et lors de l’Exposition universelle de Paris en 1867, le succès de cette industrie ostréicole française éclate aux yeux du monde entier. De nombreux pays, dont la Belgique, la Norvège, le Canada et l’Autriche-Hongrie, s’efforcent alors de reproduire ce modèle sur leurs propres côtes.
Cependant, au moment où cette nouvelle filière commence à prospérer, survient la première d’une longue série de crises qui l’ébranleront périodiquement. En tant qu’animaux filtreurs, les huîtres sont extrêmement sensibles à la qualité de l’eau qui les entoure, ce qui explique pourquoi les biologistes les considèrent aujourd’hui comme des espèces « sentinelles ». À partir des années 1890, cette propriété nouvellement découverte les rend soudainement suspectes aux yeux des consommateurs, provoquant une importante baisse de la demande. En effet, des crises alimentaires éclatent en France, en Irlande, au Royaume-Uni et aux États-Unis à la suite de campagnes médiatiques virulentes qui établissent un lien entre la consommation d’huîtres insalubres et des milliers de cas de fièvre typhoïde. Une meilleure gestion des eaux usées et la mise en place de procédures de contrôle sanitaire permettent de restaurer la confiance, mais l’industrie ostréicole est durement touchée par cette crise. En 1920-1921, une épidémie s’abat soudainement sur l’huître plate endémique d’Europe (Ostrea edulis), achevant le travail entamé par un siècle de surexploitation et détruisant quasiment tous les bancs naturels nécessaires à la collecte des naissains.
Comme les viticulteurs confrontés au phylloxéra quelques décennies plus tôt, les ostréiculteurs européens parient alors sur l’acclimatation d’une autre espèce plus résistante, en l’occurrence l’huître portugaise (Crassostrea angulata). Introduite accidentellement dans les eaux du Tage à l’époque des grandes découvertes, cette huître creuse originaire du détroit de Taïwan est implantée dans le bassin d’Arcachon depuis les années 1860 et remplace progressivement l’huître plate. Toutefois, une nouvelle épidémie provoque sa disparition brutale au début des années 1970. C’est alors l’âge de la révolution scientifique dans le domaine de la génétique et des biotechnologies, et des chercheurs français découvrent que l’huître creuse du Pacifique (Crassostrea gigas), introduite à titre expérimental dès les années 1960, est non seulement résistante aux maladies, mais présente également une croissance rapide et une excellente qualité gustative. L’introduction massive de cette espèce marque une nouvelle étape décisive dans l’évolution de l’ostréiculture moderne.
Aujourd’hui, l’ostréiculture est une industrie mondiale prospère, avec des centres de production répartis dans de nombreux pays côtiers. Les techniques ont continué à évoluer, avec l’adoption de méthodes de culture en poche, l’utilisation de structures flottantes ou de tables d’élevage, et l’introduction de l’élevage en mer ou en estuaire pour répondre à la demande croissante. Les problèmes environnementaux, tels que le changement climatique, la pollution ou l’acidification des océans, constituent cependant des défis majeurs pour l’avenir de l’ostréiculture, qui doit s’adapter et innover pour garantir la durabilité de cette activité économique et la préservation des écosystèmes marins.
breuses variétés d’huitres cultivées en France, mais les plus couramment cultivées sont :
Les huîtres creuses (Ostrea edulis)
Les huîtres plates (Crassostrea gigas)
Les huîtres spéciales (Crassostrea angulata)
Les huîtres creuses sont les plus anciennes et les plus connues en France. Elles sont cultivées principalement dans les régions côtières de l’Atlantique, de la Manche et de la Méditerranée. Ces huîtres ont une coquille fine et une chair ferme, et sont souvent considérées comme les meilleures en termes de goût et de texture.
Les huîtres plates, aussi appelées « japonaises » ou « pacifiques », sont originaires d’Asie. Elles ont été introduites en France dans les années 1970 et sont maintenant cultivées dans de nombreuses régions côtières, notamment en Bretagne. Les huîtres plates ont une coquille plus épaisse que les huîtres creuses, et une chair plus tendre et moins salée.
Les huîtres spéciales est une variété d’huitre plate d’Amérique Latine importée en France depuis les années 80 qui ont l’avantage de pouvoir se reproduire en captivité. Elle a une coquille épaisse et une chair juteuse et charnue, elle est souvent considérées comme un produit de qualité supérieure.
Il y a aussi d’autre variété d’huître tel que :
Les huîtres de Belon (Ostrea Edulis)
Les huîtres de Marennes-Oléron (Crassostrea Angulata)
Les huîtres de la Baie de Seine
Les huîtres de la Baie d’Arcachon
Les huîtres de Cancale
Chacune ont leur propre particularité en terme de gout et de texture qui les rendent uniques.
Suite : Les huitres en France
"une flottille d'une centaine de sloops de pêche anglais, tels de vaillants corsaires, s'engage dans la baie de Granville, dispersée mais disciplinée..."
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